CharlesPierre Péguy, né le 7 janvier 1873 à Orléans ( Loiret) et mort pour la France le 5 septembre 1914 à Villeroy ( Seine-et-Marne ), est un écrivain, poÚte, essayiste et officier de réserve français. Il est également connu sous les noms de plume de Pierre Deloire et Pierre Baudouin 1 .
Un poĂšme d'actualitĂ©.....Version longue car elle est relativement confidentielle. Ătoile de la mer voici la lourde nappeEt la profonde houle et lâocĂ©an des blĂ©sEt la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s,Voici votre regard sur cette immense chape Et voici votre voix sur cette lourde plaineEt nos amis absents et nos cĆurs dĂ©peuplĂ©s,Voici le long de nous nos poings dĂ©sassemblĂ©sEt notre lassitude et notre force pleine. Ătoile du matin, inaccessible reine,Voici que nous marchons vers votre illustre cour,Et voici le plateau de notre pauvre amour,Et voici lâocĂ©an de notre immense peine. Un sanglot rĂŽde et court par-delĂ lâ peine quelques toits font comme un vieux clocher retombe une sorte dâ Ă©glise semble une basse maison. Ainsi nous naviguons vers votre loin en loin surnage un chapelet de meules,Rondes comme des tours, opulentes et seulesComme un rang de chĂąteaux sur la barque amirale. Deux mille ans de labeur ont fait de cette terreUn rĂ©servoir sans fin pour les Ăąges ans de votre grĂące on fait de ces travauxUn reposoir sans fin pour lâĂąme solitaire. Vous nous voyez marcher sur cette route droite,Tout poudreux, tout crottĂ©s, la pluie entre les ce large Ă©ventail ouvert Ă tous les ventsLa route nationale est notre porte Ă©troite. Nous allons devant nous, les mains le long des poches,Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,Dâun pas toujours Ă©gal, sans hĂąte ni recours,Des champs les plus prĂ©sents vers les champs les plus proches. Vous nous voyez marcher, nous sommes la nâavançons jamais que dâun pas Ă la vingt siĂšcles de peuple et vingt siĂšcles de rois,Et toute leur sĂ©quelle et toute leur volaille Et leurs chapeaux Ă plume avec leur valetailleOnt appris ce que câest que dâĂȘtre familiers,Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers,Vers un dernier carrĂ© le soir dâune bataille. Nous sommes nĂ©s pour vous au bord de ce plateau,Dans le recourbement de notre blonde Loire,Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloireNâest lĂ que pour baiser votre auguste manteau. Nous sommes nĂ©s au bord de ce vaste plateau,Dans lâantique OrlĂ©ans sĂ©vĂšre et sĂ©rieuse,Et la Loire coulante et souvent limoneuseNâest lĂ que pour laver les pieds de ce coteau. Nous sommes nĂ©s au bord de votre plate BeauceEt nous avons connu dĂšs nos plus jeunes ansLe portail de la ferme et les durs paysansEt lâenclos dans le bourg et la bĂȘche et la fosse. Nous sommes nĂ©s au bord de votre Beauce plateEt nous avons connu dĂšs nos premiers regretsCe que peut receler de dĂ©sespoirs secretsUn soleil qui descend dans un ciel Ă©carlate Et qui se couche au ras dâun sol inĂ©vitableDur comme une justice, Ă©gal comme une barre,Juste comme une loi, fermĂ© comme une mare,Ouvert comme un beau socle et plan comme une table. Un homme de chez nous, de la glĂšbe fĂ©condeA fait jaillir ici dâun seul enlĂšvement,Et dâune seule source et dâun seul portement,Vers votre assomption la flĂšche unique au monde. Tour de David voici votre tour lâĂ©pi le plus dur qui soit jamais montĂ©Vers un ciel de clĂ©mence et de sĂ©rĂ©nitĂ©,Et le plus beau fleuron dedans votre couronne. Un homme de chez nous a fait ici jaillir,Depuis le ras du sol jusquâau pied de la croix,Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,La flĂšche irrĂ©prochable et qui ne peut faillir. Câest la gerbe et le blĂ© qui ne pĂ©rira point,Qui ne fanera point au soleil de septembre,Qui ne gĂšlera point aux rigueurs de dĂ©cembre,Câest votre serviteur et câest votre tĂ©moin. Câest la tige et le blĂ© qui ne pourrira pas,Qui ne flĂ©trira point aux ardeurs de lâĂ©tĂ©,Qui ne moisira point dans un hiver gĂątĂ©,Qui ne transira point dans le commun trĂ©pas. Câest la pierre sans tache et la pierre sans faute,La plus haute oraison quâon ait jamais portĂ©e,La plus droite raison quâon ait jamais jetĂ©e,Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute. Celle qui ne mourra le jour dâaucunes morts,Le gage et le portrait de nos arrachements,Lâimage et le tracĂ© de nos redressements,La laine et le fuseau des plus modestes sorts. Nous arrivons vers vous du lointain avons pour trois jours quittĂ© notre boutique,Et lâarchĂ©ologie avec la sĂ©mantique,Et la maigre Sorbonne et ses pauvres petits. Dâautres viendront vers vous du lointain avons pour trois jours laissĂ© notre nĂ©goce,Et la rumeur gĂ©ante et la ville colosse, Dâautres viendront vers vous du lointain CambrĂ©sis. Nous arrivons vers vous de Paris lĂ que nous avons notre gouvernement,Et notre temps perdu dans le lanternement,Et notre libertĂ© dĂ©cevante et totale. Nous arrivons vers vous de lâautre Notre-Dame,De celle qui sâĂ©lĂšve au cĆur de la citĂ©,Dans sa royale robe et dans sa majestĂ©,Dans sa magnificence et sa justesse dâĂąme. Comme vous commandez un ocĂ©an dâĂ©pis,LĂ -bas vous commandez un ocĂ©an de tĂȘtes,Et la moisson des deuils et la moisson des fĂȘtesSe couche chaque soir devant votre parvis. Nous arrivons vers vous du noble un commencement de Beauce Ă notre usage,Des fermes et des champs taillĂ©s Ă votre image,Mais coupĂ©s plus souvent par des rideaux de bois, Et coupĂ©s plus souvent par de creuses vallĂ©esPour lâYvette et la BiĂšvre et leurs accroissements,Et leurs savants dĂ©tours et leurs dĂ©gagements,Et par les beaux chĂąteaux et les longues allĂ©es. Dâautres viendront vers vous du noble Vermandois,Et des vallonnements de bouleaux et de viendront vers vous des palais et des du pays picard et du vert VendĂŽmois. Mais câest toujours la France, ou petite ou plus grande,Le pays des beaux blĂ©s et des encadrements,Le pays de la grappe et des ruissellements,Le pays de genĂȘts, de bruyĂšre, de lande. Nous arrivons vers vous du lointain PalaiseauEt des faubourgs dâOrsay par Gometz-le-ChĂątel,Autrement dit Saint-Clair ; ce nâest pas un castel ;Câest un village au bord dâune route en biseau. Nous avons dĂ©bouchĂ©, montant de ce coteau,Sur le ras de la plaine et sur Gometz-la-VilleAu-dessus de Saint-Clair ; ce nâest pas une ville ;Câest un village au bord dâune route en plateau. Nous avons descendu la cĂŽte de avons rencontrĂ© trois ou quatre nous ont regardĂ©, non sans quelques alarmes,Consulter les poteaux aux coins des carrefours. Nous avons pu coucher dans le calme un gros bourg trĂšs riche et qui sent sa nous avons longĂ©, regardĂ©s comme un prince,Les fossĂ©s du chĂąteau coupĂ©s comme un redan. Dans la maison amie, hĂŽtesse et fraternelleOn nous a fait coucher dans le lit du ans de souvenirs Ă©taient notre pain nous fut coupĂ© dâune main maternelle. Toute notre jeunesse Ă©tait lĂ prononça pour nous le siĂšcles dâhonneur et de fidĂ©litĂ©Faisaient des draps du lit une couche Ă©ternelle. Nous avons fait semblant dâĂȘtre un gai pĂšlerinEt mĂȘme un bon vivant et dâaimer les voyages,Et dâavoir parcouru cent trente-et-un bailliages,Et dâĂȘtre accoutumĂ©s dâĂȘtre sur le chemin. La clartĂ© de la lampe Ă©blouissait la nous fit visiter le jardin donnait sur la treille et sur un beau fut le premier gĂźte et la tĂȘte dâĂ©tape. Le jardin Ă©tait clos dans un coude de lâ la droite il donnait sur un mur bocagerSurmontĂ© de rameaux et dâun arceau face un marĂ©chal, et lâenclume, et la forge. Nous nous sommes levĂ©s ce matin devant lâ nous sommes quittĂ©s aprĂšs les beaux temps sâannonçait bien. On nous a dit tant nous a fait goĂ»ter de quelque bĆuf en daube, Puisquâil est entendu que le bon pĂšlerinEst celui qui boit ferme et tient sa place Ă table,Et quâil nâa pas besoin de faire le comptable,Et que câest bien assez de se lever matin. Le jour Ă©tait en route et le soleil montaitQuand nous avons passĂ© Sainte-Mesme et les avancions dĂ©jĂ comme deux bons la gauche et la droite Ă©tait ce qui comptait. Nous sommes remontĂ©s par le GuĂ© de est fait dĂ©sormais de nos atermoiements,Et de lâiniquitĂ© des dĂ©nivellements Voici la juste plaine et le secret effroi De nous trouver tout seuls et voici le charroiEt la roue et les bĆufs et le joug et la grange,Et la poussiĂšre Ă©gale et lâĂ©quitable fangeEt la dĂ©tresse Ă©gale et lâĂ©gal dĂ©sarroi. Nous voici parvenus sur la haute terrasseOĂč rien ne cache plus lâhomme de devant Dieu,OĂč nul dĂ©guisement ni du temps ni du lieuNe pourra nous sauver, Seigneur, de votre chasse. Voici la gerbe immense et lâimmense liasse,Et le grain sous la meule et nos Ă©crasements,Et la grĂȘle javelle et nos renoncements,Et lâimmense horizon que le regard embrasse. Et notre indignitĂ© cette immuable masse,Et notre basse peur en un pareil moment,Et la juste terreur et le secret tourmentDe nous trouver tout seuls par devant votre face. Mais voici que câest vous, reine de majestĂ©,Comment avons-nous pu nous laisser dĂ©cevoir,Et marcher devant vous sans vous serons donc toujours ce peuple inconcertĂ©. Ce pays est plus ras que la plus rase peine un creux du sol, Ă peine un lĂ©ger la table du juge et le fait accompli,Et lâarrĂȘt sans appel et lâordre inĂ©luctable. Et câest le prononcĂ© du texte insurmontable,Et la mesure comble et câest le sort empli,Et câest la vie Ă©tale et lâhomme enseveli,Et câest le hĂ©raut dâarme et le sceau redoutable. Mais vous apparaissez, reine pointe lĂ -bas dans le moutonnementDes moissons et des bois et dans le flottementDe lâextrĂȘme horizon ce nâest point une yeuse, Ni le profil connu dâun arbre dĂ©jĂ plus distante, et plus basse, et plus haute,Ferme comme un espoir sur la derniĂšre cĂŽte,Sur le dernier coteau la flĂšche inimitable. Dâici vers vous, ĂŽ reine, il nâest plus que la nous regarde, on en a bien fait dâ avez votre gloire et nous avons les lâavons entamĂ©e, on la mangera toute. Nous savons ce que câest quâun tronçon qui sâajouteAu tronçon dĂ©jĂ fait et ce quâun kilomĂštreDemande de jarret et ce quâil faut en mettre Nous passerons ce soir par le pont et la voĂ»te Et ce fossĂ© profond qui cerne le marchons dans le vent coupĂ©s par les ici la contrĂ©e imprenable en photos,La route nue et grave allant de part en part. Nous avons eu bon vent de partir dĂšs le coucherons ce soir Ă deux pas de chez vous,Dans cette vieille auberge oĂč pour quarante sousNous dormirons tout prĂšs de votre illustre tour. Nous serons si fourbus que nous regarderons,Assis sur une chaise auprĂšs de la fenĂȘtre,Dans un Ă©crasement du corps et de tout lâĂȘtre,Avec des yeux battus, presque avec des yeux ronds, Et les sourcils haussĂ©s jusque dedans nos fronts,Lâangle une fois trouvĂ© par un seul homme au monde,Et lâunique montĂ©e ascendante et profonde,Et nous serons recrus et nous contemplerons. Voici lâaxe et la ligne et la gĂ©ante la dure pente et le lâexactitude et le la sĂ©vĂšre larme, ĂŽ reine de douleur. Voici la nuditĂ©, le reste est le vĂȘtement, tout le reste est la puretĂ©, tout le reste est la pauvretĂ©, le reste est ornement. Voici la seule force et le reste est lâarĂȘte unique et le reste est la seule noblesse et le reste est la seule grandeur et le reste est bassesse. Voici la seule foi qui ne soit point le seul Ă©lan qui sache un peu le seul instant qui vaille de le seul propos qui sâachĂšve et qui dure. Voici le monument, tout le reste est voici notre amour et notre notre port de tĂȘte et notre le rien de dentelle et lâexacte moulure. Voici le beau serment, le reste est lâunique prix de nos arrachements,Le salaire payĂ© de nos la vĂ©ritĂ©, le reste est imposture. Voici le firmament, le reste est vers le tribunal voici lâ vers le paradis voici lâ la feuille de pierre et lâexacte nervure. Nous resterons clouĂ©s sur la chaise de nous nâentendrons pas et nous ne verrons pasLe tumulte des voix, le tumulte des pas,Et dans la salle en bas lâinnocente ripaille. Ni les rouliers venus pour le jour du la feinte colĂšre et lâĂ©clat des jurons Car nous contemplerons et nous mĂ©diteronsDâun seul embrassement la flĂšche sans pĂ©chĂ©. Nous ne sentirons pas ni nos faces raidies,Ni la faim ni la soif ni nos renoncements,Ni nos raides genoux ni nos raisonnements,Ni dans nos pantalons nos jambes engourdies. Perdus dans cette chambre et parmi tant dâhĂŽtels,Nous ne descendrons pas Ă lâheure du repas,Et nous nâentendrons pas et nous ne verrons pasLa ville prosternĂ©e au pied de vos autels. Et quand se lĂšvera le soleil de demain,Nous nous rĂ©veillerons dans une aube lustrale,Ă lâombre des deux bras de votre cathĂ©drale,Heureux et malheureux et perclus du chemin. Nous venons vous prier pour ce pauvre garçonQui mourut comme un sot au cours de cette annĂ©e,Presque dans la semaine et devers la journĂ©eOĂč votre fils naquit dans la paille et le son. Ă Vierge, il nâĂ©tait pas le pire du nâavait quâun dĂ©faut dans sa jeune la mort qui nous piste et nous suit Ă la traceA passĂ© par ce trou quâil sâest fait dans la peau. Il Ă©tait nĂ© vers nous dans notre commençait la route oĂč nous gagnait tous les jours tout ce que nous pourtant câĂ©tait lui que tu te destinais, Ă mort qui fus vaincue en un premier avait mis ses pas dans nos mĂȘmes le seul manquement dâune seule des craintesLaissa passer la mort par un chemin nouveau. Le voici maintenant dedans votre ĂȘtes reine et mĂšre et saurez le un ĂȘtre pur. Vous le ferez rentrerDans votre patronage et dans votre indulgence. Ă reine qui lisez dans le secret du cĆur,Vous savez ce que câest que la vie ou la mort,Et vous savez ainsi dans quel secret du sortSe coud et se dĂ©coud la ruse du traqueur. Et vous savez ainsi sur quel accent du chĆurSe noue et se dĂ©noue un accompagnement,Et ce quâil faut dâespace et de dĂ©boisementPour laisser dĂ©bouler la meute du piqueur. Et vous savez ainsi dans quel recreux du portSe prĂ©pare et sâachĂšve un noble enlĂšvement,Et par quel jeu dâadresse et de gouvernementSe dĂ©robe ou se fixe un illustre support. Et vous savez ainsi sur quel tranchant du glaiveSe joue et se dĂ©joue un Ă©pouvantement,Et par quel coup de pouce et quel balancementLâun des plateaux descend pour que lâautre sâĂ©lĂšve. Et ce que peut coĂ»ter la lĂšvre du moqueur,Et ce quâil faut de force et de recroisementPour faire par le coup dâun seul retournementDâun vaincu malheureux un malheureux vainqueur. MĂšre le voici donc, il Ă©tait notre race,Et vingt ans aprĂšs nous notre recevez-le dans votre la mort a passĂ©, passera bien la grĂące. Nous, nous retournerons par ce mĂȘme sera de nouveau la terre sans cachette,Le chĂąteau sans un coin et sans une oubliette,Et ce sol mieux gravĂ© quâun parfait parchemin. Et nunc et in hora, nous vous prions pour nousQui sommes plus grands sots que ce pauvre gamin,Et sans doute moins purs et moins dans votre main,Et moins acheminĂ©s vers vos sacrĂ©s genoux. Quand nous aurons jouĂ© nos derniers personnages,Quand nous aurons posĂ© la cape et le manteau,Quand nous aurons jetĂ© le masque et le couteau,Veuillez vous rappeler nos longs pĂšlerinages. Quand nous retournerons en cette froide terre,Ainsi quâil fut prescrit pour le premier Adam,Reine de Saint-ChĂ©ron, Saint-Arnould et Dourdan,Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire. Quand on nous aura mis dans une Ă©troite fosse,Quand on aura sur nous dit lâabsoute et la messe,Veuillez vous rappeler, reine de la promesse,Le long cheminement que nous faisons en Beauce. Quand nous aurons quittĂ© ce sac et cette corde,Quand nous aurons tremblĂ© nos derniers tremblements,Quand nous aurons raclĂ© nos derniers raclements,Veuillez vous rappelez votre misĂ©ricorde. Nous ne demandons rien, refuge du pĂ©cheur,Que la derniĂšre place en votre Purgatoire,Pour pleurer longuement notre tragique histoire,Et contempler de loin votre jeune PĂ©guyQuoi, vous ne connaissez pas cette actualitĂ©! Alors rendez-vous ici!
Lhistorien Jean-Pierre Rioux publie en ce dĂ©but dâannĂ©e La mort du Lieutenant PĂ©guy, un livre qui retrace lâexpĂ©rience de guerre du grand Ă©crivain jusquâĂ sa mort le 5 septembre 1914. Occasion de revenir sur la conception de la guerre du directeur des Cahiers de la Quinzaine. Charles PĂ©guy est mort debout. En soldat honorable
Ătoile du seul Nord dans votre bĂątiment. Ce qui partout ailleurs est de dispersion Nâest ici que lâeffet dâun beau rassemblement. Ce qui partout ailleurs est un dĂ©membrement Nâest ici que cortĂšge et que procession. Ce qui partout ailleurs demande un examen Nâest ici que lâeffet dâune pauvre jeunesse. Ce qui partout ailleurs demande un lendemain Nâest ici que lâeffet de soudaine faiblesse. Ce qui partout ailleurs demande un parchemin Nâest ici que lâeffet dâune pauvre tendresse. Ce qui partout ailleurs demande un tour de main Nâest ici que lâeffet dâune humble maladresse. Ce qui partout ailleurs est un dĂ©traquement Nâest ici que justesse et que dĂ©clinaison. Ce qui partout ailleurs est un baraquement Nâest ici quâune Ă©paisse et durable maison. Ce qui partout ailleurs est la guerre et la paix Nâest ici que dĂ©faite et que reddition. Ce qui partout ailleurs est de sĂ©dition Nâest ici quâun beau peuple et dĂšs Ă©pis Ă©pais. Ce qui partout ailleurs est une immense armĂ©e Avec ses trains de vivre et ses encombrements, Et ses trains de bagage et ses retardements, Nâest ici que dĂ©cence et bonne renommĂ©e. Ce qui partout ailleurs est un effondrement Nâest ici quâune lente et courbe inclinaison. Ce qui partout ailleurs est de comparaison Est ici sans pareil et sans redoublement. Ce qui partout ailleurs est un accablement Nâest ici que lâeffet de pauvre obĂ©issance. Ce qui partout ailleurs est un grand parlement Nâest ici que lâeffet de la seule audience. Ce qui partout ailleurs est un encadrement Nâest ici quâun candide et calme reposoir. Ce qui partout ailleurs est un ajournement Nâest ici que lâoubli du matin et du soir. Les matins sont partis vers les temps rĂ©volus, Et les soirs partiront vers le soir Ă©ternel, Et les jours entreront dans un jour solennel, Et les fils deviendront des hommes rĂ©solus. Les Ăąges rentreront dans un Ăąge absolu, Les fils retourneront vers le seuil paternel Et raviront de force et lâamour fraternel Et lâantique hĂ©ritage et le bien dĂ©volu. Voici le lieu du monde oĂč tout devient enfant, Et surtout ce vieil homme avec sa barbe grise, Et ses cheveux mĂȘlĂ©s au souffle de la brise, Et son regard modeste et jadis triomphant. Voici le lieu du monde oĂč tout devient novice, Et cette vieille tĂȘte et ses lanternements, Et ces deux bras raidis dans les gouvernements, Le seul coin de la terre oĂč tout devient complice, Et mĂȘme ce grand sot qui faisait le malin, Câest votre serviteur, ĂŽ premiĂšre servante, Et qui tournait en rond dans une orbe savante, Et qui portait de lâeau dans le bief du moulin. Ce qui partout ailleurs est un arrachement Nâest ici que la fleur de la jeune saison. Ce qui partout ailleurs est un retranchement Nâest ici quâun soleil au ras de lâhorizon. Ce qui partout ailleurs est un dur labourage Nâest ici que rĂ©colte et dessaisissement. Ce qui partout ailleurs est le dĂ©clin dâun Ăąge Nâest ici quâun candide et cher vieillissement. Ce qui partout ailleurs est une rĂ©sistance Nâest ici que de suite et dâaccompagnement ; Ce qui partout ailleurs est un prosternement Nâest ici quâune douce et longue obĂ©issance. Ce qui partout ailleurs est rĂšgle de contrainte Nâest ici que dĂ©clenche et quâabandonnement ; Ce qui partout ailleurs est une dure astreinte Nâest ici que faiblesse et que soulĂšvement. Ce qui partout ailleurs est rĂšgle de conduite Nâest ici que bonheur et que renforcement ; Ce qui partout ailleurs est Ă©pargne produite Nâest ici quâun honneur et quâun grave serment. Ce qui partout ailleurs est une courbature Nâest ici que la fleur de la jeune oraison ; Ce qui partout ailleurs est la lourde armature Nâest ici que la laine et la blanche toison. Ce qui partout ailleurs serait un tour de force Nâest ici que simplesse et que dĂ©lassement ; Ce qui partout ailleurs est la rugueuse Ă©corce Nâest ici que la sĂšve et les pleurs du sarment Ce qui partout ailleurs est une longue usure Nâest ici que renfort et que recroissement ; Ce qui partout ailleurs est bouleversement Nâest ici que le jour de la bonne aventure. Ce qui partout ailleurs se tient sur la rĂ©serve Nâest ici quâabondance et que dĂ©passement ; Ce qui partout ailleurs se gagne et se conserve Nâest ici que dĂ©pense et que dĂ©sistement. Ce qui partout ailleurs se tient sur la dĂ©fense Nâest ici que liesse et dĂ©mantĂšlement ; Et lâoubli de lâinjure et lâoubli de lâoffense Nâest ici que paresse et que bannissement. Ce qui partout ailleurs est une liaison Nâest ici quâun fidĂšle et noble attachement ; Ce qui partout ailleurs est un encerclement Nâest ici quâun passant dedans votre maison. Ce qui partout ailleurs est une obĂ©dience Nâest ici quâune gerbe au temps de fauchaison ; Ce qui partout ailleurs se fait par surveillance Nâest ici quâun beau foin au temps de fenaison. Ce qui partout ailleurs est une forcerie Nâest ici que la plante Ă mĂȘme le jardin ; Ce qui partout ailleurs est une gagerie Nâest ici que le seuil Ă mĂȘme le gradin. Ce qui partout ailleurs est une rĂ©torsion Nâest ici que dĂ©tente et que dĂ©sarmement ; Ce qui partout ailleurs est une contraction Nâest ici quâun muet et calme engagement. Ce qui partout ailleurs est un bien pĂ©rissable Nâest ici quâun tranquille et bref dĂ©gagement ; Ce qui partout ailleurs est un rengorgement Nâest ici quâune rose et des pas sur le sable. Ce qui partout ailleurs est un efforcement Nâest ici que la fleur de la jeune raison ; Ce qui partout ailleurs est un redressement Nâest ici que la pente et le pli du gazon. Ce qui partout ailleurs est une Ă©corcherie Nâest ici quâun modeste et beau dĂ©vĂȘtement ; Ce qui partout ailleurs est une affouillerie Nâest ici quâun durable et sĂ»r dĂ©pouillement. Ce qui partout ailleurs est un raidissement Nâest ici quâune souple et candide fontaine ; Ce qui partout ailleurs est une illustre peine Nâest ici quâun profond et pur jaillissement. Ce qui partout ailleurs se querelle et se prend Nâest ici quâun beau fleuve aux confins de sa source, Ă reine et câest ici que toute Ăąme se rend Comme un jeune guerrier retombĂ© dans sa course. Ce qui partout ailleurs est la route gravie, Ă reine qui rĂ©gnez dans votre illustre cour, Ătoile du matin, reine du dernier jour, Ce qui partout ailleurs est la table servie, Ce qui partout ailleurs est la route suivie Nâest ici quâun paisible et fort dĂ©tachement, Et dans un calme temple et loin dâun plat tourment Lâattente dâune mort plus vivante que vie. II. PriĂšre de demande Nous ne demandons pas que le grain sous la meule Soit jamais replacĂ© dans le cĆur de lâĂ©pi, Nous ne demandons pas que lâĂąme errante et seule Soit jamais reposĂ©e en un jardin fleuri. Nous ne demandons pas que la grappe Ă©crasĂ©e Soit jamais replacĂ©e au fronton de la treille, Et que le lourd frelon et que la jeune abeille Y reviennent jamais se gorger de rosĂ©e. Nous ne demandons pas que la rose vermeille Soit jamais replacĂ©e aux cerceaux du rosier, Et que le paneton et la lourde corbeille Retourne vers le fleuve et redevienne osier. Nous ne demandons pas que cette page Ă©crite Soit jamais effacĂ©e au livre de mĂ©moire, Et que le lourd soupçon et que la jeune histoire Vienne remĂ©morer cette peine prescrite. Nous ne demandons pas que la tige ployĂ©e Soit jamais redressĂ©e au livre de nature, Et que le lourd bourgeon et la jeune nervure Perce jamais lâĂ©corce et soit redĂ©ployĂ©e. Nous ne demandons pas que le rameau broyĂ© Reverdisse jamais au livre de la grĂące, Et que le lourd surgeon et que la jeune race Rejaillisse jamais de lâarbre foudroyĂ©. Nous ne demandons pas que la branche effeuillĂ©e Se tourne jamais plus vers un jeune printemps, Et que la lourde sĂšve et que le jeune temps Sauve une cime au moins dans la forĂȘt noyĂ©e. Nous ne demandons pas que le pli de la nappe Soit effacĂ© devant que revienne le maĂźtre, Et que votre servante et quâun malheureux ĂȘtre Soient libĂ©rĂ©s jamais de cette lourde chape. Nous ne demandons pas que cette auguste table Soit jamais resservie, Ă moins que pour un Dieu, Mais nous nâespĂ©rons pas que le grand connĂ©table Chauffe deux fois ses mains vers un si maigre feu. Nous ne demandons pas quâune Ăąme fourvoyĂ©e Soit jamais replacĂ©e au chemin du bonheur. Ă reine il nous suffit dâavoir gardĂ© lâhonneur Et nous ne voulons pas quâune aide apitoyĂ©e Nous remette jamais au chemin de plaisance, Et nous ne voulons pas quâune amour soudoyĂ©e Nous remette jamais au chemin dâallĂ©geance, Ă seul gouvernement dâune Ăąme guerroyĂ©e, RĂ©gente de la mer et de lâillustre port Nous ne demandons rien dans ces amendements Reine que de garder sous vos commandements Une fidĂ©litĂ© plus forte que la mort. III. PriĂšre de confidence Nous ne demandons pas que cette belle nappe Soit jamais repliĂ©e aux rayons de lâarmoire, Nous ne demandons pas quâun pli de la mĂ©moire Soit jamais effacĂ© de cette lourde chape. MaĂźtresse de la voie et du raccordement, Ă miroir de justice et de justesse dâĂąme, Vous seule vous savez, ĂŽ grande notre Dame, Ce que câest que la halte et le recueillement. MaĂźtresse de la race et du recroisement, Ă temple de sagesse et de jurisprudence, Vous seule connaissez, ĂŽ sĂ©vĂšre prudence, Ce que câest que le juge et le balancement. Quand il fallut sâasseoir Ă la croix des deux routes Et choisir le regret dâavecque le remords, Quand il fallut sâasseoir au coin des doubles sorts Et fixer le regard sur la clef des deux voĂ»tes, Vous seule vous savez, maĂźtresse du secret, Que lâun des deux chemins allait en contre-bas, Vous connaissez celui que choisirent nos pas, Comme on choisit un cĂšdre et le bois dâun coffret. Et non point par vertu car nous nâen avons guĂšre, Et non point par devoir car nous ne lâaimons pas, Mais comme un charpentier sâarme de son compas, Par besoin de nous mettre au centre de misĂšre, Et pour bien nous placer dans lâaxe de dĂ©tresse, Et par ce besoin sourd dâĂȘtre plus malheureux, Et dâaller au plus dur et de souffrir plus creux, Et de prendre le mal dans sa pleine justesse. Par ce vieux tour de main, par cette mĂȘme adresse, Qui ne servira plus Ă courir le bonheur, Puissions-nous, ĂŽ rĂ©gente, au moins tenir lâhonneur, Et lui garder lui seul notre pauvre tendresse. IV. PriĂšre de report Nous avons gouvernĂ© de si vastes royaumes, Ă rĂ©gente des rois et des gouvernements, Nous avons tant couchĂ© dans la paille et les chaumes, RĂ©gente des grands gueux et des soulĂšvements. Nous nâavons plus de goĂ»t pour les grands majordomes, RĂ©gente du pouvoir et des renversements, Nous nâavons plus de goĂ»t pour les chambardements, RĂ©gente des frontons, des palais et des dĂŽmes. Nous avons combattu de si ferventes guerres Par-devant le Seigneur et le Dieu des armĂ©es, Nous avons parcouru de si mouvantes terres, Nous nous sommes acquis si hautes renommĂ©es. Nous nâavons plus de goĂ»t pour le mĂ©tier des armes, Reine des grandes paix et des dĂ©sarmements, Nous nâavons plus de goĂ»t pour le mĂ©tier des larmes, Reine des sept douleurs et des sept sacrements. Nous avons gouvernĂ© de si vastes provinces, RĂ©gente des prĂ©fets et des procurateurs, Nous avons lanternĂ© sous tant dâaugustes princes, Reine des tableaux peints et des deux donateurs. Nous nâavons plus de goĂ»t pour les dĂ©partements, Ni pour la prĂ©fecture et pour la capitale, Nous nâavons plus de goĂ»t pour les embarquements, Nous ne respirons plus vers la terre natale, Nous avons encouru de si hautes fortunes, Ă clef du seul honneur qui ne pĂ©rira point, Nous avons dĂ©pouillĂ© de si basses rancunes, Reine du tĂ©moignage et du double tĂ©moin. Nous nâavons plus de goĂ»t pour les forfanteries, MaĂźtresse de sagesse et de silence et dâombre, Nous nâavons plus de goĂ»t pour les argenteries, Ă clef du seul trĂ©sor et dâun bonheur sans nombre. Nous en avons tant vu, dame de pauvretĂ©, Nous nâavons plus de goĂ»t pour de nouveaux regards, Nous en avons tant fait, temple de puretĂ©, Nous nâavons plus de goĂ»t pour de nouveaux hasards. Nous avons tant pĂ©chĂ©, refuge du pĂ©cheur, Nous nâavons plus de goĂ»t pour les atermoiements, Nous avons tant cherchĂ©, miracle de candeur, Nous nâavons plus de goĂ»t pour les enseignements. Nous avons tant appris dans les maisons dâĂ©cole, Nous ne savons plus rien que vos commandements. Nous avons tant failli par lâacte et la parole, Nous ne savons plus rien que nos amendements. Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde, Mais qui marchaient toujours et nâont jamais pliĂ©, Nous sommes cette Ăglise et ce faisceau liĂ©, Nous sommes cette race internelle et profonde. Nous ne demandons plus de ces biens pĂ©rissables, Nous ne demandons plus vos grĂąces de bonheur, Nous ne demandons plus que vos grĂąces dâhonneur, Nous ne bĂątirons plus nos maisons sur ces sables. Nous ne savons plus rien de ce quâon nous a lu, Nous ne savons plus rien de ce quâon nous a dit. Nous ne connaissons plus quâun Ă©ternel Ă©dit, Nous ne savons plus rien que votre ordre absolu. Nous en avons trop pris, nous sommes rĂ©solus. Nous ne voulons plus rien que par obĂ©issance, Et rester sous les coups dâune auguste puissance, Miroir des temps futurs et des temps rĂ©volus. Sâil est permis pourtant que celui qui nâa rien Puisse un jour disposer, et lĂ©guer quelque chose, Sâil nâest pas dĂ©fendu, mystĂ©rieuse rose, Que celui qui nâa pas reporte un jour son bien ; Sâil est permis au gueux de faire un testament, Et de lĂ©guer lâasile et la paille et le chaume, Sâil est permis au roi de lĂ©guer le royaume, Et si le grand dauphin prĂȘte un nouveau serment ; Sâil est admis pourtant que celui qui doit tout Se fasse ouvrir un compte et porter un crĂ©dit, Si le virement tourne et nâest pas interdit, Nous ne demandons rien, nous irons jusquâau bout. Si donc il est admis quâun humble dĂ©biteur Puisse Ă©lever la voix pour ce qui nâest pas dĂ», Sâil peut toucher un prix quand il nâa pas vendu, Et faire balancer par solde crĂ©diteur ; Nous qui nâavons connu que vos grĂąces de guerre Et vos grĂąces de deuil et vos grĂąces de peine, Et vos grĂąces de joie, et cette lourde plaine, Et le cheminement des grĂąces de misĂšre ; Et la procession des grĂąces de dĂ©tresse, Et les champs labourĂ©s et les sentiers battus, Et les cĆurs lacĂ©rĂ©s et les reins courbatus, Nous ne demandons rien, vigilante maĂźtresse. Nous qui nâavons connu que votre adversitĂ©, Mais quâelle soit bĂ©nie, ĂŽ temple de sagesse, Ă veuillez reporter, merveille de largesse, Vos grĂąces de bonheur et de prospĂ©ritĂ©. Veuillez les reposer sur quatre jeunes tĂȘtes, Vos grĂąces de douceur et de consentement, Et tresser pour ces fronts, reine du pur froment, Quelques Ă©pis cueillis dans la moisson des fĂȘtes. V. PriĂšre de dĂ©fĂ©rence Tant dâamis dĂ©tournĂ©s de ce cĆur solitaire Nâont point lassĂ© lâamour ni la fidĂ©litĂ© ; Tant de dĂ©robement et de mobilitĂ© Nâont point dĂ©couragĂ© ce cĆur involontaire. Tant de coups de fortune et de coups de misĂšre Nâont point sonnĂ© le jour de la fragilitĂ© ; Tant de malendurance et de brutalitĂ© Nâont point laĂŻcisĂ© ce cĆur sacramentaire. Tant de fausse crĂ©ance et tant de faux mystĂšre Nâont point lassĂ© la foi ni la docilitĂ© ; Tant de renoncements nâont point dĂ©bilitĂ© Le sang du rouge cĆur et le sang de lâartĂšre. Pourtant sâil faut ce jour dresser un inventaire Que la mort devait seule et conclure et sceller ; Sâil faut redĂ©couvrir ce quâil fallait celer ; Et sâil faut devenir son propre secrĂ©taire ; Sâil faut sâinstituer et son propre notaire Et son propre greffier et son double tĂ©moin, Et mettre le paraphe aprĂšs le dernier point, Et frapper sur le sceau le chiffre signataire ; Sâil faut fermer la clause et lier le contrat, Et dĂ©couper lâarticle avec le paragraphe, Et creuser dans la pierre et graver lâĂ©pigraphe, Sâil faut sâinstituer recteur et magistrat ; Sâil faut articuler ce nouveau rĂ©pertoire Sans nulle exception et sans atermoiement, Et sans transcription et sans transbordement, Et sans transgression et sans Ă©chappatoire ; Sâil faut sur ces dĂ©bris dresser un nouveau code, Et sur ces chĂątiments dresser un nouveau roi, Et planter lâappareil dâune derniĂšre loi, Sans nul Ă©vĂ©nement et sans nul Ă©pisode Nul ne passera plus le seuil de ce dĂ©sert Qui ne vous soit fĂ©al et ne vous soit fidĂšle, Et nul ne passera dans cette citadelle Qui nâait donnĂ© le mot quâon donne Ă mot couvert. Nul ne visitera ce temple de mĂ©moire, Ce temple de mĂ©moire et ce temple dâoubli, Et cette gratitude et ce destin rempli, Et ces regrets pliĂ©s aux rayons de lâarmoire. Nul ne visitera ce cĆur enseveli Qui ne se soit rangĂ© dessous votre conduite Et ne se soit perdu dans votre auguste suite Comme une voix se perd dans un chĆur accompli. Et nulle nâentrera dans cette solitude Qui ne vous soit sujette et ne vous soit servante Et ne vous soit seconde et ne vous soit suivante, Et nulle nâentrera dans cette servitude, Et nul ne franchira le seuil de ce palais, Et la porte centrale et le parvis de marbre, Et la vasque et la source et le pourpris et lâarbre, Qui ne soit votre esclave et lâun de vos valets. Et nul ne passera dans cette plĂ©nitude Qui ne soit votre fils et votre serviteur, Comme il est votre serf et votre dĂ©biteur, Et nul ne passera dans cette quiĂ©tude, Pour lâamour le plus pur et le plus salutaire Et le retranchement et le mĂȘme regret, Et nul ne passera le seuil de ce secret Pour lâamour le plus dur et le plus statutaire, Et lâamour le plus mĂ»r et le plus plein de peine, Et le plus plein de deuil et le plus plein de larmes, Et le plus plein de guerre et le plus plein dâalarmes, Et le plus plein de mort au seuil de cette plaine. Et pour le plus gonflĂ© du plus ancien sanglot, Et pour le plus vidĂ© de la vieille amertume, Et pour le plus lavĂ© de la plus basse Ă©cume, Et pour le plus gorgĂ© du plus antique flot. Et pour le plus pareil Ă cette lourde grappe, Et pour le plus astreint aux treilles de ce mur, Et pour le plus contraint comme pour le plus sĂ»r, Et pour le plus pareil Ă ce pli de la nappe. Et nul ne passera dans cette certitude, Pour lâamer souvenir et le regret plus doux, Et le morne avenir et lâĂ©ternel remous Des vagues de silence et de sollicitude. Et nul ne franchira le seuil de cette tombe, Pour un culte Ă©ternel encor que pĂ©rissable, Et le profond remous de ces vagues de sable OĂč le pied du silence Ă chaque pas retombe, Qui ne soit inclinĂ© vers vos sacrĂ©s genoux Et ne soit sous vos pieds comme un chemin de feuille, Et ne consente et laisse et ne prĂ©tende et veuille, De lâĂ©paisseur dâun monde ĂȘtre aimĂ© moins que vous. 1913
Centans aprÚs sa mort au combat, Charles Péguy compte toujours de sérieux adeptes. Entretien n°2. Je m'abonne 3 mois pour 1⏠| Sans engagement. Par Jacques Drillon. Publié le 14 février
Ătoile de la mer voici la lourde nappe Et la profonde houle et lâocĂ©an des blĂ©s Et la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s, Voici votre regard sur cette immense chape Et voici votre voix [âŠ] Plus FIDELI FIDELIS JĂ©sus parle. Ă mĂšre ensevelie hors du premier jardin, Vous nâavez plus connu ce climat de la grĂące, Et la vasque et la source et la haute terrasse, Et le premier soleil sur [âŠ] Plus I. PriĂšre de rĂ©sidence Ă reine voici donc aprĂšs la longue route, Avant de repartir par ce mĂȘme chemin, Le seul asile ouvert au creux de votre main, Et le jardin secret oĂč lâĂąme sâouvre [âŠ] Plus PREMIER JOUR POUR LE VENDREDI 3 JANVIER 1913 FĂTE DE SAINTE GENEVIĂVE QUATORZE CENT UNIĂME ANNIVERSAIRE DE SA MORT Comme elle avait gardĂ© les moutons Ă Nanterre, On la mit Ă garder un bien autre [âŠ] Plus BergĂšre qui gardiez les moutons Ă Nanterre Et guettiez au printemps la premiĂšre hirondelle, Vous seule vous savez combien elle est fidĂšle, La ville vagabonde et pourtant sĂ©dentaire. Vous qui la connaissez dans ses embrassements [âŠ] Plus Ătoile de la mer, voici la lourde nef OĂč nous ramons tout nuds sous vos commandements ; Voici notre dĂ©tresse et nos dĂ©sarmements ; Voici le quai du Louvre, et lâĂ©cluse, et le bief. Voici notre appareil [âŠ] Plus Depuis le Point-du-Jour jusquâaux cĂšdres bibliques Double galĂšre assise au long du grand bazar, Et du grand ministĂšre, et du morne alcazar, Parmi les deuils privĂ©s et les vertus publiques ; Sous les quatre-vingts rois et [âŠ] Plus Double vaisseau de ligne au long des colonnades, Autrefois bĂątiment au centuple sabord, Aujourdâhui lourde usine, Ă©norme coffre-fort FermĂ© sur le secret des sourdes canonnades. Nos pĂšres tâont dansĂ© de chaudes sĂ©rĂ©nades, Ils tâont fleuri [âŠ] Plus Double vaisseau de charge aux deux rives de Seine, Vaisseau de pourpre et dâor, de myrrhe et de cinname, Vaisseau de blĂ©, de seigle, et de justesse dâĂąme, DâhumilitĂ©, dâorgueil, et de simple verveine ; Nos [âŠ] Plus
Cechemin a Ă©tĂ© officiellement inaugurĂ© en 2014, Ă lâoccasion du centenaire de la mort au combat de Charles PĂ©guy. Partie finale chartraine du « Chemin Charles PĂ©guy » Le samedi 25 juin 2016 aura lieu lâinauguration itinĂ©rante de la partie finale chartraine du « Chemin Charles PĂ©guy ». Rendez-vous Ă 15h30 Ă Chartres. Programme; Un itinĂ©raire de 1,7km qui dĂ©marrera de la rue
PubliĂ© le 05/09/2014 Ă 1655 Cent ans aprĂšs sa disparition, les mots de Charles PĂ©guy rĂ©sonnent encore avec une justesse dĂ©concertante. Rue des Archives/Rue des Archives/Tallandier L'Ă©crivain français est mort au combat le 5 septembre 1914. Ă l'occasion du centenaire de sa mort, voici un florilĂšge de rĂ©flexions trĂšs actuelles du fondateur des Cahiers de la sa prĂ©face de PĂ©guy tel qu'on l'ignore Gallimard, 1973, Jean Bastaire se demande quand Charles PĂ©guy va-t-il enfin sortir de ce placard hypocrite et dĂ©suet oĂč l'a confinĂ© la seconde moitiĂ© du siĂšcle?». Un temps balayĂ© des rĂ©fĂ©rences culturelles, Charles PĂ©guy revient, plus actuel que jamais. Cent ans aprĂšs sa disparition, ses mots rĂ©sonnent encore avec une justesse dĂ©concertante. Sur la politique, l'enseignement, l'argent, les grandes problĂ©matiques de notre temps, Charles PĂ©guy nous parle encore.â Le monde politiqueLe parti politique socialiste est entiĂšrement composĂ© de bourgeois intellectuels.» L'Argent, 1913AussitĂŽt aprĂšs nous commence le monde que nous avons nommĂ©, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancĂ©s, de ceux qui savent, de ceux Ă qui on n'en remontre pas, de ceux Ă qui on n'en fait pas accroire. Le monde de ceux Ă qui on n'a plus rien Ă apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbĂ©ciles. Comme nous. C'est-Ă -dire le monde de ceux qui ne croient Ă rien, pas mĂȘme Ă l'athĂ©isme, qui ne se dĂ©vouent, qui ne se sacrifient Ă rien. Exactement le monde de ceux qui n'ont pas de mystique. Et qui s'en vantent.» Notre Jeunesse, 17 juillet 1910â La rĂ©volutionUne rĂ©volution n'est pas une opĂ©ration par laquelle on se contredit. C'est une opĂ©ration par laquelle rĂ©ellement on se renouvelle, on devient nouveau, frais, entiĂšrement, totalement, absolument nouveau. Et c'est en partie pour cela qu'il y a si peu de vĂ©ritable rĂ©volution dans le monde moderne. Jamais on n'avait tant parlĂ© de RĂ©volution. Jamais on n'a Ă©tĂ© aussi incapable de faire aucune vĂ©ritable rĂ©volution, rĂ©novation, innovation. Parce que jamais aucun monde n'a autant manquĂ© de fraĂźcheur.» Suite de Notre Patrie, novembre 1905.â L'enseignementIl n'y a jamais eu de crise de l'enseignement ; les crises de l'enseignement ne sont pas des crises de l'enseignement ; elles sont des crises de vie. Quand une sociĂ©tĂ© ne peut pas enseigner, c'est que cette sociĂ©tĂ© ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-mĂȘme ; pour toute humanitĂ©, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une sociĂ©tĂ© qui ne s'enseigne pas est une sociĂ©tĂ© qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est prĂ©cisĂ©ment le cas de la sociĂ©tĂ© moderne.» Pour la rentrĂ©e, 1904â L'argentPour la premiĂšre fois dans l'histoire du monde l'argent est maĂźtre sans limitation ni mesure. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire du monde l'argent est seul en face de l'esprit. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire du monde l'argent est seul devant Dieu.» Note conjointe, 1er aoĂ»t 1914â L'artUne vĂ©ritable Ćuvre d'art ne naĂźt pas piĂšce de musĂ©e. Mais elle naĂźt dans un pays parmi des hommes et des mĆurs. L'idĂ©al n'est pas que les Ćuvres soient couchĂ©es quelque part dans un cimetiĂšre universel, mais l'idĂ©al est que les fleurs et les Ćuvres naissent, poussent, croissent, demeurent libres dans la terre natale, et qu'elles y accueillent le visiteur en voyage. Aujourd'hui, au contraire, c'est le visiteur inerte qui fait voyager les Ćuvres.» RĂ©ponse brĂšve Ă JaurĂšs, 4 juillet 1900â L'EgliseL'Eglise ne se rouvrira point le peuple Ă moins que de faire, elle aussi, elle comme tout le monde, Ă moins que de faire les frais d'une rĂ©volution Ă©conomique, d'une rĂ©volution sociale, d'une rĂ©volution industrielle, pour dire le mot d'une rĂ©volution temporelle pour le salut Ă©ternel.» Notre Jeunesse, 1910â La presseOn conduit aujourd'hui les lecteurs comme on n'a pas cessĂ© de conduire les Ă©lecteurs. La presse constitue un quatriĂšme pouvoir. Beaucoup de journalistes, qui blĂąment avec raison la faiblesse des mĆurs parlementaires, feraient bien de se retourner sur soi-mĂȘme et de considĂ©rer que les salles de rĂ©daction se tiennent comme les Parlements. Il y a au moins autant de dĂ©magogie parlementaire dans les journaux que dans les assemblĂ©es. Il se dĂ©pense autant d'autoritĂ© dans un comitĂ© de rĂ©daction que dans un conseil des ministres ; et autant de faiblesse dĂ©magogique. Les journalistes Ă©crivent comme les dĂ©putĂ©s parlent. Un rĂ©dacteur en chef est un prĂ©sident du conseil, aussi autoritaire, aussi faible.» De la Raison, 1901.
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Le texte intitulĂ© La mort nâest rien » est souvent lu lors dâobsĂšques. CâĂ©tait ainsi le cas lors des funĂ©railles de la comĂ©dienne Annie Girardot, le 4 mars. La plupart des gens pensent que ce texte a Ă©tĂ© Ă©crit par Charles PĂ©guy, ce qui n'est pas le cas. Explications. La mort n'est rien je suis seulement passĂ©, dans la piĂšce Ă cĂŽtĂ©. Je suis moi. Vous ĂȘtes vous. Ce que j'Ă©tais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donnĂ©. Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait, n'employez pas un ton diffĂ©rent. Ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez Ă rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez Ă moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcĂ© Ă la maison comme il l'a toujours Ă©tĂ©, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours Ă©tĂ©. Le fil n'est pas coupĂ©. Pourquoi serais-je hors de vos pensĂ©es, simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l'autre cĂŽtĂ© du chemin. » Câest dans les annĂ©es 90 que ce texte a fait son apparition dans les cĂ©rĂ©monies dâenterrement en France, avec Ă chaque fois la mention de lâauteur supposĂ© Charles PĂ©guy. EtonnĂ©s, quelques PĂ©guystes, dont Jean Bastaire, se penchent sur lâaffaire et concluent de maniĂšre dĂ©finitive ce texte est un faux, un apocryphe » Bulletin N°74 de lâAmitiĂ© Charles PĂ©guy, avril-juin 1996. Death is nothing at all » Mais alors, dâoĂč provient ce texte ? Qui en est lâauteur ? Jean Bastaire prĂ©cise avoir eu entre les mains plusieurs versions lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes de ce texte, avec un style plus ou moins direct tutoiement ou vouvoiement. Selon les versions, on trouve par exemple les phrases suivantes exprimant une mĂȘme idĂ©e Ce que j'Ă©tais pour vous, je le suis toujours. » Ce que nous Ă©tions lâun pour lâautre, nous le sommes toujours. » Tout ce que nous avons Ă©tĂ© lâun pour lâautre demeure. » Jean Bastaire suppose alors quâil pourrait sâagir dâune traduction. Ses recherches le conduisent jusquâĂ un certain Henry Scott Holland », chanoine anglais 1847-1918. Eric Thiers, autre PĂ©guyste mobilisĂ© dans cette affaire, complĂšte. Selon ses sources, ce texte est extrait dâun sermon sur la mort intitulĂ© The King of Terrors », prononcĂ© le 15 mai 1910 Ă la CathĂ©drale St Paul de Londres, peu aprĂšs le dĂ©cĂšs du Roi Edouard VII. La version originale du texte est la suivante
. 779 353 187 645 163 707 497 111
la mort n est rien charles péguy